projet de loi sur l’euthanasie

Monseigneur D'Ornellas

projet de loi sur l’euthanasie


LETTRE AUX CATHOLIQUES D’ILLE-ET-VILAINE
Questions sur un projet de loi sur la fin de vie ?
Chers frères et sœurs, voulons-nous collectivement une société de la fraternité qui nous engage
tous à prendre soin de nos frères et sœurs les plus fragiles ?
Telle est la question qui est posée de façon brutale par le projet de loi en débat actuellement. En
effet, ce projet de loi veut que l’euthanasie et le suicide assisté soient rendus possibles par la
loi. Cela contredit l’idéal d’une société où nous prenons soin des personnes en fin de vie et où
nous les accompagnons jusqu’à leur mort naturelle.
Voici rapidement quelques éléments pour bien comprendre les enjeux. Certaines personnes sont
atteintes d’une maladie incurable. Nous avons mission de prendre soin d’elles de telle sorte
qu’elles ne souffrent pas grâce à des traitements adéquats qui luttent contre la douleur. Les
soignants, aidés de bénévoles, accomplissent cette mission en équipe et accompagnent chaque
patient avec attention, délicatesse, compétence et respect de sa dignité. Ils le font en écoutant
les désirs du patient.
Ces soignants savent que les traitements disproportionnés sont inutiles et font souffrir. La loi
Leonetti de 2005 interdit de tels traitements. Cependant, depuis la loi Claeys-Leonetti de 2016,
quand un patient éprouve une souffrance qui est « réfractaire » aux traitements et que son
pronostic vital est engagé, il est possible de l’accompagner en lui proposant une sédation
continue et profonde maintenue jusqu’au décès. Par cette sédation, le patient perd conscience.
Cette sédation n’est mise en œuvre que si le patient a donné son accord. Souvent, elle est réalisée
une fois que le patient a pu faire les dernières rencontres qu’il désirait avec ses proches, parfois
avec un prêtre. L’intention réelle des soignants et du patient est alors d’empêcher la
souffrance trop lourde à porter, en acceptant de laisser la mort venir ; celle-ci viendra en
raison de la progression de la maladie. Le patient meurt alors de mort naturelle. Il aura été
accompagné jusqu’au bout avec humanité et respect de sa dignité.

Voilà la mission des soins palliatifs ! Les soignants, avec des bénévoles, y accomplissent un
travail quotidien admirable. Hélas, ces soins palliatifs n’existent pas dans 21 départements. Il
est urgent de les développer ! Tout le monde le souhaite. Or, le Gouvernement ne prend pas les
décisions nécessaires. Il est prévu un plan sur dix ans, mais qui est largement insuffisant.
Au lieu de développer avec détermination les soins palliatifs, le projet de loi autorise
l’euthanasie et le suicide assisté qui provoquent la mort. Ici, l’intention est clairement de donner
la mort pour que le patient ne souffre plus : on supprime le patient pour arrêter la souffrance !
Certes, des verrous sont posés dans le projet de loi pour que l’euthanasie et le suicide assisté
soient limités aux quelques cas assez rares. Mais les débats entre les députés ont déjà fait sauter
des verrous. L’expérience dans d’autres pays nous alertent sur deux choses : l’élargissement
des verrous est inéluctable ; les plus pauvres pâtiront le plus de cette loi si elle était adoptée.
Ce projet de loi contredit les soins palliatifs. La vocation du soignant est de soigner en
supprimant la souffrance. Les soins palliatifs s’inscrivent dans une société de la fraternité où
l’attention aux plus fragiles est au cœur de son organisation et de sa solidarité.
Provoquer la mort stoppe le soin, arrête l’accompagnement. Ce n’est pas un soin et ne le sera
jamais ! Le projet de loi masque le fait de donner la mort en appelant euthanasie et suicide
assisté du nom trompeur d’« aide à mourir ». On a même osé dire que donner la mort à une
personne qui la demandait était un acte de fraternité. Saint Jean-Paul II a clairement enseigné
l’éthique au sujet de la fin de vie : personne ne peut donner la mort à un être humain sous
prétexte qu’il souffre (Évangile de la vie, n. 65).
La véritable fraternité consiste à soigner et à accompagner jusqu’à la mort naturelle en faisant
en sorte que la souffrance soit au maximum supprimée. Jésus nous enseigne à prendre soin de
nos frères et sœurs les plus fragiles : il nous a donné la parabole du Bon Samaritain qui a pris
soin d’une personne « à demi-morte », et qui l’a conduite dans une auberge pour qu’on prenne
soin d’elle. Prions pour que nous soyons tous habités par cette sollicitude du Bon Samaritain.
Rennes, le mardi 4 juin 2024
✠ Pierre d’Ornellas,
Archevêque de Rennes